keres / rot in peace

Héritage Infortuné ♆ Oliveira, large généalogie aux branches parfois branlantes, aux graines bâtardes éparpillées aux quatre vents, infinies ramifications d'un nom sans doute un peu banal. Elle vient d'une bouture reniée, son lignage est brouillé, aussi ne connait-elle pas les dizaines de cousin qu'elle s'imagine avoir, lorsqu'on l'appelle par son patronyme. Appellation aux Origines Contrôlées ♆ Keres, l'esprit des morts cruelles et violentes. C'était mieux avant ♆ bientôt 19 ans, adolescence dans son incandescence. Première Bouffée d'air ♆ au matin du 1er Novembre 1998 à São Poeira Papa et Maman ♆ De nationalité brésilienne, elle également des origines anglaise par sa mère.  Dans mon lit ♆ avide, affamée, cruelle et vite lassée, elle se fait les dents sur n'importe qui. Tant que la peau peut bleuir, tant que des suppliques peuvent être arrachées, elle n'a que faire de ce qu'il se cache sous le coton qu'elle arrache.  Degré de solitude ♆ insupportable enfant, elle chasse ceux qui s'attardent. Il y a pourtant parfois des récurrents, entre ses draps. Tromper l'ennui ♆ Sorcière ou apprentie charlatan, les avis divergent. Elle fait des potions, des pommades, elle vend tout ça à des prix exorbitant. Certains onguents soignent, d'autres défoncent, il y a également des placebos dans le lot. La grande majorité, cependant, restent des poisons. Il lui arrive aussi de se vendre, par-ci, par-là, parce qu'elle sème la terreur et que certains aiment ça alors pourquoi ne pas être rémunérée ? Fanatisme déclaré ♆ Son père était catholique, sa mère ne jure encore aujourd'hui que par la science. Elle, elle verse dans la macumba, servant les orixas qui le lui rendent bien. Des trois branches, ésotérisme amérindien, chamanisme africain et occultisme européen, elle puise principalement sa force dans la dernière, suivant alors les préceptes de celui qui est tombé des cieux, poussé par un dieu ingrat. la Vraie Famille ♆ l'allégeance de sa mère va au Cartel, Keres joue les insoumises mais non sans pression. Tombé dans le trou à rat ♆ Elle est née ici avant l'incident de la mine. Ses parents venaient d'ailleurs mais elle, elle appartient à ce cloaque. La nouvelle famille ♆ Trainée.

Elle pique, elle brule, elle cogne. Ses doigts tatoués s’acharnent sur la lame, malmenant le bois, malmenant les feuilles alors qu’elle ahane une prière tant de fois répétée. Elle est perdue dans les vapeurs, perchée dans les senteurs, éthérée mais glorieuse, prétentieuse, infâme. Ce n’est qu’une enfant, personne ne s’en méfie. La chimère, qu’ils la surnomment parfois, parce qu’elle se projette dans les rêves et en fait des marécages. Alors elle coupe, tord, fait bouillir dans son chaudron, la petite sorcière. Elle s’acharne à produire, des consumés non testés que de pauvres fous s’arrachent. Keres, elle aime se faufiler, soit dans l’ombre d’une ruelle soit dans les méandres d’un cerveau embrumé. Keres, elle est colérique aussi, parfois elle envoie tout valser. Elle a la rancune tenace et la langue acide, les mains cruelles et les yeux glacés… Et pourtant, lorsqu’elle se met à sourire, elle semble douce, sirupeuse, comme les potions qu’elle prépare. On l’avale sans modération, on se saoule à sa présence pour faire passer un mal de gorge et puis on se retrouve à cracher du sang, à convulser, à s’arracher les cheveux ou les ongles. Vénéneuse, après tout sa mère disait souvent que c’était le propre des plus belles fleurs, d’être dangereuse mais Keres préfère causer du dégât ouvertement qu’en trompant le badaud, elle préfère être offensive, mauvaise, pas juste une beauté toxique à observer de loin. Keres, elle a des nœuds dans les cheveux et de la terre sous les ongles, ses bras sont bardés de cicatrices, ses jambes elles bardées de bleus, autant de tatouages que de taches de rousseur. Keres, elle a toujours le souffle court et le regard défiant, comme un animal près à attaquer. Elle est primale, quelque part et surtout, elle appartient aux ombres.

Elle fait danser les songes, les teintant de noir. Comme l’encre qui tâche sa peau, son pouvoir coule et recouvre, formant ça et là motifs et arabesques. Si elle le voulait, elle pourrait sans doute forcer des images douces sur ses victimes mais elle ne s’est jamais penchée sur la question. Non, depuis toujours ou presque, ce sont les cauchemars avec lesquels elle joue, piochant dans les instincts les plus profonds, les plus bas, pour terroriser. Au début, elle ne comprenait pas, personne ne comprenait à vrai dire. C’est venu avec ses premières saignées, comme beaucoup de choses à vrai dire, à croire que la magie s’est retrouvée attirée par le sang comme un requin affamé. Il faut un contact, franc si possible, pour qu’elle parvienne à diriger les mauvais rêves à venir. Un contact, un regard droit et une marque laissée là pour torturer plus tard le sommeil des malheureux qui s’amusent à venir trop près, bombe à retardement. Plus le contact est long, plus l’intensité est grande mais il arrive que dans ses pires colères, un simple effleurement suffise. Certains réclament, veulent une jouissance suivie d’un spectacle onirique et horrifique, ils aiment les infernales bacchanales qu’elle sait peindre, qu’elle provoque dans un moment d’abandon – ils pensent qu’entre leurs bras, elle s’abandonne, ils sont aveugles tous autant qu’ils le sont – et parfois certains en souffrent sans rien demander, lorsqu’elle dort à côté d’eux. Il arrive qu’elle perde le contrôle, créant des bestioles chimériques terrifiantes qui s’invitent dans ses propres songes, dans ceux des visiteurs perdus entre ses draps. Il arrive qu’elle perde le contrôle oui, secouant sa pauvre carcasse et se réveillant pantelante, les mains fermées en poing, les yeux écarquillées mais arborant un sourire mauvais, fou, de ceux cachant une cruelle idée.

Elle n’a connu que ça. Elle ne vient pas de là, n’aurait pas dû rester là, le sort en a décidé autrement et elle n’a qu’ici, que cette vie un peu bancale, un peu crade, un peu désespérée, où il faut s’accrocher au moindre bout de viande pour ne pas soi-même devenir barbaque. Elle n’a pas peur des ruelles sombres, des pouvoirs, des gens, pas même les pires. Naïvement peut-être, elle se considère comme faisant partie des dangers, parce qu’elle se sait empoisonnée. Oh, elle ne vaut pas les pires mais elle voit ça comme un défi, le défi d’une vie. Il arrive qu’elle s’imagine loin, que ses cauchemars fassent brûler le coin et les libère, qu’elle imagine le reste du monde mais c’est une enfant des enfers, fortuitement, et sa place est ici, pas loin de la gueule du diable, pas loin des cavités noirâtres de la mine. Plus jeune, évidemment qu’elle a tenté de se barrer, ou du moins elle a pensé à le faire. C’était une enfant boudeuse alors elle fuguait presque tous les jours, n’allait pas bien loin, tapait des clopes et les fumait avec son ballotin posé à côté d’elle, sa main libre fermement enroulée autour d’un coutelas qu’elle n’a jamais vraiment quitté, farouchement loyale à tout ça à défaut d’avoir le choix.