BAR Le grincement des portes, lorsqu'une carcasse s'y glisse ; les lumières clignotent, seule source d'électricité qui règne encore, dans les environs. Chiffon à la main, le vieil homme au bar lève les yeux, un instant, avant de retourner à son verre et à la télévision déglinguée. Les chaises tanguant, là, contre le parquet de bois, et la chaleur est presque insoutenable ; c'était un bar de foi, autrefois. Un bar pour les grands, les riches ; il ne reste que des carcasses de bois antique, qu'une télévision usée et un jukebox paumé. Et pourtant, les âmes y errent encore, s'empiffrent de nourritures grasses, marmonnent les ragots des environs.

HÔPITAL À DÉCHET Homme ou animal ; elles se traînent toutes ici bas, les carcasses, pour un peu de sang ou lacération de l'âme. Elles se traînent tous aussi, où la sueur de la nature glisse le long des murs, où les champignons sont au coeur des douches. La propriété, elle n'est pas d'actualité, il suffit de rêver pour la retrouver ; ici, on prie pour quelques médicaments, payés ou alors volés, dans les endroits avoisinants, mais on prie surtout pour la vie.

SQUAT Elle s'est effacée, l'autorité. Soufflée par le vent, elle a cessé d'exister. Les âmes pures en uniforme vagabondent dans les rues, en sauvent d'autres parfois, mais à quoi bon. La station de police ne leur appartient plus. C'est une blague ; graffitis grossièrement dessinés, seringues oubliées et camés vidés, le lieu prestigieux s'est effacé. Si avant on s'y glissait pour un peu de sécurité, maintenant, on s'en éloigne pour ne pas se faire dévorer. Dévorer par les âmes enragées.

PURETÉ Il y a cet homme ; un peu vieux, peut-être jeune, qui sait. Une âme qui ne s'est pas égarée, qui ne cesse pas de prier. Il est toujours là, assis dans son église, à nettoyer et puis à supplier. Il est toujours là, à ouvrir ses bras aux âmes oubliées. Prisonnière de la faune qui ne cesse de monter, elle garde pourtant sa couleur perfide, blanche, petite lumière au milieu des ténèbres, des coeurs souillées, on en vient à grimacer quand on les voit, ces idiots, y déposer des dessins obscènes. Et pourtant, toujours, le bon curé est là, pot de peinture à la main, pour les effacer.

LABYRINTHE Ils sont disparus, les êtres cultivés, ceux-là, avec la soif de nouveauté. Il ne reste que des petits enfants, ou alors des grands, qui sait, qui viennent ici bas se rassembler pour apprendre comment épeler, ou alors comment dessiner de fines lettres assemblées. Il y a quelques pièces, là, encore utilisées, et puis d'autres auxquelles on ne préfère pas s'arracher. Prunelles détournées, le soir, quand on vient à passer, et que l'on voit quelques chandelles encore flamber.

PREMIER TOIT Il est long et un peu vide, quelques chambres, une dizaine à peine, finement enlignées. Pas de couloir, pas de restaurans intégré ; seulement quelques lits, juste là, un peu souillés, un peu sales. Et les âmes paumées, les pauvres perdus, là, à jamais la vie brisée, c'est souvent là qu'ils vont se poser, pour ne pas dormir à la belle étoile, les nouveaux arrivés.

MAISONS Maisons poussières, maisons amères, elles sont là, toujours vives, venant d'une toute autre ère. Elles tiennent toujours, les maisons d'avant, celles qui tanguent un peu, avec le perron bien avancé. Illuminées de chandelles la nuit, envahies de courants d'air, elles sont toujours là, en place, partout entourées de quelques cabanes rapidement bâties. Et puis il y a ceux là, un peu reculés, les petits châteaux oubliés, abandonnés, souillés. Mangés par la faune, on les voit souvent envahis par des égarés, bouffés par des âmes ravagées, ou juste ...libérés.