“Toujours l'homme chez qui une pensée germe sur une autre pensée s'éloigne de son but, parce que l'une affaiblit l'élan de l'autre.” ▲ DANTE
La magie qui imprègne ces lieux n'est pas perceptible, et pourtant elle semble laisser une empreinte au creux de tous ceux qui y pénètrent. Le Diable, toujours aussi joueur, a placé ci et là des sortilèges pour rappeler les pêchés capitaux qui entravent l'humanité, et nombreux déjà y ont succombé, trop peu y ont survécu pour que la menace ne soit réelle, ne résultent que des légendes des péchés meurtriers, des soupirs de ceux déjà accaparés par les hommes qui en ont fait leur commerce. Disséminés au milieu du bidonville ou perdus dans la nature, ils attirent tous, intrinsèquement, les badauds qui s'en approchent de trop, consciemment ou non. Le premier, inhérent à l'homme dès que son esprit se forme,
l’orgueil, a pris la forme d'un
oasis perdu dans les vignes, miroir naturel d'où l'on s'abreuve sans soif de son propre reflet. Le second,
l'avarice, s'est matérialisé sous l'aspect d'une vanité impossible, une
pierre tourmaline qui incombe à quiconque l'aperçoit l'envie démesurée de la posséder, envers et contre tout, poussant jusqu'à l’impensable pour la garder pour soi. Le troisième pêché, non des moindres,
l'envie a pris la forme du
puits des âmes, laisse ceux qui s'y plongent entrevoir une vie meilleure, là où la malédiction n'a pas d'emprise, permet parfois d'apercevoir les reflets d'une vie passée, mais le diable ici ne cesse de rappeler qu'il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de souhaiter quelque chose. Ainsi les observés se verront franchir les limites du villages, comme traînés par les griffes du Diable, sans même en avoir conscience. Le péché du sang chaud, des caprices et des poings serrés,
la colère, est exacerbé dans la
grotte incandescente, cavité naturelle dans laquelle ont pris habitude de se réunir ceux qui veulent en découdre, et parfois quelques perdus, dont la rage du lieu les poussent à se battre, parfois jusqu'à la mort. Impossible d'en ressortir tant qu'on ne ressort pas vainqueur d'un combat. Le péché de la
luxure est sans doute celui rendu le plus doux ici bas, si tenté que vous soyez du côté des clients que des prostitué(e)s : la
maison close de Felipe semble se modeler aux désirs de ceux qui y rentrent, s'adapte à tous les soupirs, apparaît à chaque fois nouvelle pour ceux qui n'y connaissant ps les moindres recoins. Le péché des hommes pieux, qu'on aurait pu croire le plus innocent, se retrouve ici un des plus mortels,
la gourmandise a pris ici la forme délicieuse d'un
arbre à délice, planté comme par magie de l'autre côté du fleuve, là où les courants sont violents et, s'ils ne suffisent pas à vous emporter, le sucre divin des fruits finira par vous obséder au point de vous en assécher la bouche. La dernière tentation, celle de
la paresse, est difficile à entrevoir tant la
taberna pacifica est un lieu qui fait partie intégrante de la ville, et pourtant, entre les murs de la vieille bâtisse le temps s'écoule moins vite, tout finit par devenir lent, amorphe, sans saveur, nul ne sait si le temps finit par s'y arrêter. Là bas, les cœurs se saisissent de calme, même les animaux les plus sauvages deviennent dociles et sereins, perdus dans la fumée en sirotant l'ambre des démons.
Prenez garde, car, en ces lieux, le Diable a rendu toute chose possible.